Ce travail a commencé suite à la lecture d’un article de presse qui mentionnait la condamnation de la France par le Conseil de l’Europe pour le « non-respect des obligations qui lui incombent à l’égard des personnes autistes ». Je n’avais alors jamais rencontré de personnes autistes, et j’ignorais même que les adultes autistes existaient. Pour comprendre cette condamnation, j’ai eu envie de les rencontrer, de les connaître, de partager leur quotidien, de comprendre quels étaient leurs besoins.
La rencontre eut lieu à Oméga, l’un des rares centres de vie spécialement destiné à l’accueil des adultes autistes dans le nord de la France. Un cadre protégé mais ouvert sur le monde extérieur et qui implique résidents, familles et soignants, car tous doivent être en accord avec le projet de vie proposé par Oméga. Cette structure permet à de nombreuses familles d’entrevoir la sortie du tunnel. Elle est un soulagement. Ses membres tentent d’offrir une réponse adaptée, au service des autistes et de leurs parents. L’éducation, l’autonomisation, les soins, l’ouverture sociale, parfois par le biais de loisirs, en sont les maîtres mots. Pas de ghetto pour autistes. Ni pour l’autisme. L’autiste nécessite un accompagnement humain constant tout au long de sa vie et la charge qu’il représente est très difficilement supportable pour une famille seule. Il s’agit pour les parents d’une véritable et cruelle épreuve. Ce d’autant plus que peu d’entre eux s’entendent dire qu’ils ne sont pas coupables. Le nombre de structures d’accueil et les moyens manquent.
Le choix des photographies, ici restreint, a nécessité beaucoup de temps. Il y a des scènes difficiles à regarder. J’ai essayé de ne rien cacher, de ne pas mentir. Par respect pour les autistes, pour leur famille, pour le lecteur. L’isolement existe, les angoisses existent, mais il y a aussi des instants de complicité, des moments d’échange, des moments de bonheur qui jaillissent. Ces derniers peuvent sembler anodins au premier regard. Ils sont pour celles et ceux qui vivent avec les autistes le fruit de longues années de patience, d’écoute et de travail.
Les autistes grandissent. Ils existent. Notre société n’est pas en droit de les abandonner.